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En route vers leur ferme dans le nord de la province de Guangdong, Raymond et Becky Kwong, connus en cantonais sous les noms de Kwong Sang et Wah Tsai, passent devant des maisons abandonnées au milieu de champs envahis par la végétation, témoins de la migration massive qui frappe la Chine rurale, alors que les agriculteurs deviennent ouvriers dans les usines et mettent au monde de futurs entrepreneurs urbains.
Alors que la petite ville la plus proche, Jintanzhen, s’estompe au loin, la route se rétrécit. Des femmes aux chapeaux de paille marchent le long de la route, des faucilles et des bottes de riz à leurs bras. Après un moment, la route commence à se faufiler à travers les montagnes, passant devant un lac artificiel et des vergers de mandarines qui mûrissent juste à temps pour la nouvelle année lunaire.
A l’extrémité de la route des Kwongs, des enfants en bas âge jouent avec des anguilles de rivière vivantes, essayant de garder prise sur leur corps mouillé et glissant avec leurs mains nues. Pointant du doigt son usine d’engrais devant nous, M. Kwong dit : « Nous l’avons construite pendant la phase de transformation ».
Raymond et Becky Kwong, connus en cantonais sous les noms de Kwong Sang et Wah Tsai dans leur ferme à Qingyuan, en Chine. Les Kwongs ont passé deux ans à visiter des terres en Chine continentale à la recherche d’un terrain de taille importante, exempt de polluants et loin de l’industrie. (Qingyuan, Chine, 5 février 2018)
Les champs d’oignons, d’ails et de légumes verts prospèrent à la ferme de Raymond et Becky Kwong dans la banlieue rurale de Qingyuan, une région montagneuse subtropicale à l’est de la ville la plus peuplée de Chine, Guangzhou. (Qingyuan, Chine, 5 février 2018)
Un agriculteur récolte des laitues chez Magic Seasons Organics à Chingyuan, dans le sud de la Chine. Après la récolte, les Kwongs apportent une variété de légumes-feuilles à un restaurant sur le chemin du retour vers la ville de Qingyuan où ils utilisent leurs propres légumes verts dans une marmite pour le déjeuner. (Qingyuan, Chine, 5 février 2018)
La Chine exige une période de repos de trois ans pour obtenir la certification biologique afin d’assurer que la terre en question est exempte de métaux lourds et d’autres contaminants qui prennent du temps à se dissiper ou à s’enfoncer sous la surface du sol.
Dans une étude datant de 2014, le Ministère de la Protection de l’Environnement et le Ministère de la Terre et des Ressources ont constaté que près de 20 pourcents des terres cultivables de la Chine étaient polluées. Des échantillons de terre provenant des quatre coins du pays ont montré des résultats positifs à la présence de toxines comme le cadmium, le nickel et l’arsenic – résultat probable de décennies d’industrialisation non réglementée et de pratiques agricoles à intensité chimique élevée que le gouvernement chinois tente aujourd’hui de contrôler.
En tant que nation avec plus d’un milliard de bouches à nourrir, les préoccupations environnementales ont longtemps été reléguées au second plan de la sécurité alimentaire. Le passé des famines déclenchées par les pratiques agraires communistes en Chine ont amené le gouvernement à prendre des initiatives assurant une croissance suffisante des denrées comme le riz et le blé, mais sans prendre en compte l’impact environnemental sur le long terme des moyens utilisés pour accroître les rendements.
L’engouement de la fin du vingtième siècle pour une croissance plus importante – et accélérée – a conduit à une surutilisation généralisée des engrais chimiques. Selon les données recueillies par la Banque Mondiale en 2016, les agriculteurs chinois ont utilisé plus de trois fois la dose d’engrais chimiques que la moyenne internationale préconisée. La même année, le Ministère de l’Agriculture a mis en place un plan afin de limiter la propagation d’engrais chimiques et assurer une croissance zéro de leur utilisation d’ici 2020. Le plan semble avoir toutes ses chances de réussir – la croissance est restée inférieure à 1 % par an depuis.
Le cancer est la cause principale de décès dans cette région, et tout effort pour cultiver des aliments biologiques a été motivé par des préoccupations de santé personnelle plutôt qu’environnementales. Cependant, la consommation globale d’aliments biologiques reste très faible, représentant seulement un peu plus de 1 % de tous les aliments, selon l’Institut de Recherche sur l’Agriculture Biologique. Les pesticides chimiques sont connus pour avoir des effets graves, et même mortels, sur la santé humaine. Les Nations Unies estiment qu’environ 200 000 personnes meurent chaque année d’empoisonnement aux pesticides, pour la plupart des travailleurs agricoles ou des familles vivant à proximité d’exploitations agricoles utilisant des pesticides. L’exposition chronique toxique a été reliée à des cas de cancer, à la perturbation endocrinienne, aux anomalies congénitales, à la stérilité, aux effets neurologiques et aux maladies d’Alzheimer et de Parkinson.
Il reste difficile de prouver les avantages à long terme de la consommation d’aliments biologiques par rapport aux produits conventionnels en utilisant les études scientifiques, toutefois cela s’explique par le fait que ces études ont tendances à être basées sur l’observation, plutôt que sur des essais contrôlés et réalisés au hasard, qui sont la norme en recherche scientifique.
Malgré la vaste superficie de la Chine, le pays possède moins de terres cultivables et d’eau propre qu’il n’en faut pour alimenter la plus grande population au monde. La majorité des terres disponibles dans les régions du nord et de l’est sont désertiques, et donc presque inutilisables en matière d’agriculture. De plus, sur les 1,4 millions de kilomètres carrés de terres cultivable, 11 % sont réservés au rétablissement nécessaire dû à la pollution et à la surexploitation.
L’agriculture a eu un impact considérable sur l’allocation relativement faible d’eau douce de la Chine. À 2 100 m3 par habitant, l’approvisionnement national en eau représente 28 % de la moyenne mondiale, et un rapport de 2010 de Civic Exchange a constaté que 70 % des rivières et des lacs de la Chine étaient contaminés de manière significative. Le rapport a également constaté que 50 % des villes avaient des eaux souterraines polluées, principalement à cause des pratiques agricoles et industrielles irresponsables. Plus récemment, des données gouvernementales recueillies dans 2 301 puits souterrains ont démontré que 80 % de l’eau analysée était impropre à la consommation.
La ferme des Kwongs est située dans un bassin entouré de modestes montagnes qui canalisent aisément l’eau douce vers leur système d’irrigation. Après deux ans à évaluer les terres cultivables en Chine continentale et à Hong-Kong, où ils ont commencé à cultiver dans les années 90, les Kwongs ont signé leur bail de 30 ans ici, à Qingyuan.
La région de Qingyuan, connue dans le sud de la Chine pour ses Qinyuan gai, ou « poulets naturels », se trouve à environ 270 km de Hong-Kong et 80 km de Guangzhou, la zone urbaine la plus peuplée de Chine. Le gouvernement a traité la zone où se trouve la ferme des Kwongs en tant que terre protégée, la plaçant ainsi à l’abri de la contamination par les forces de l’industrialisation rapide et des pratiques agricoles néfastes.
Raymond and Becky cultivent cette terre depuis maintenant dix ans. Ils ont réussi à combattre d’innombrables parasites, mauvaises herbes et virus, mais leur obstacle le plus complexe est le préjugé que les clients potentiels ont à l’esprit envers tout ce qui est « made in China » – du moins en ce qui concerne la nourriture.
Avec Shangai et Pékin où les aliments biologiques sont plus populaires, à plus de 1 500 km, et les non-loin Guangzhou ou Shenzhen qui ne sont pas encore rentables pour les produits biologiques, Hong Kong est le lieu de rendez-vous des consommateurs de produits biologiques le plus proche. Les Kwongs vendent principalement leurs légumes en ligne aux ménages de Hong Kong et à une poignée de restaurants et de boutiques qui ont fini par faire confiance à leurs produits.
Janice Leung Hayes, écrivaine gastronomique et défenseure des aliments biologiques et locaux de Hong Kong, déclare que le meilleur espoir des agriculteurs pour atténuer les problèmes de confiance existants est de passer par « des chaines d’approvisionnement transparentes, où les gens peuvent retracer exactement la manière dont le produit leur a été fourni et d’où il est venu, comment il a été produit, et ainsi de suite. »
« Nous essayons d’amener des gens ici quand nous le pouvons, dit Becky ». Peu de gens viennent de la région autonome en raison des trois heures de route et du passage de la frontière nécessaires, mais Becky dit que le simple fait de proposer une visite aide à renforcer la confiance. « Quand nous invitons les gens à venir voir la ferme, ils comprennent que nous n’avons rien à cacher, explique-t-elle. « Nous voulons partager notre savoir-faire. »
Un agriculteur d’un village voisin récolte des laitues par une journée fraîche d’hiver à Magic Seasons Organics à Qingyuan, en Chine. Les légumes verts frais seront nettoyés, emballés au minimum et chargés dans des camions réfrigérés qui transporteront les produits sur plus de 200 km à Hong Kong où les consommateurs sont prêts à payer des prix plus élevés pour des produits biologiques de qualité plutôt que d’aller dans les villes voisines de Guangzhou et Shenzhen. (Qingyuan, Chine, 5 février 2018)
Une serre pleine de Bak Choi prête à être récoltée chez Magic Seasons Organics in Chingyuan, en Chine. Le légume-feuille, aliment de base de la cuisine cantonaise, est souvent servi garni d’ail, avec des viandes rôties, ainsi que dans de nombreux plats de soupe et de nouilles. (Qingyuan, Chine, 5 février 2018)
Séchage de betteraves et de radis blancs avant conditionnement chez Magic Seasons Organics. Les Kwongs essaient de cultiver des légumes qui conviennent mieux au palais occidental, bien que les légumes chinois ont tendance à demander moins d’entretien et à être naturellement plus résistant aux parasites locaux. (Qingyuan, Chine, 5 février 2018)
Abritant plus de 1 500 gratte-ciels, classés en tant qu’immeubles de plus de 100 mètres, la plus grande concentration au monde, et avec plus de 9 000 tours d’habitation, la plus grande partie de Hong Kong est conçue pour conserver la nature à l’écart : le béton cache les flancs de montagnes, et des centaines de milliers de bureaux et d’appartements sont climatisés à l’année, neutralisant ainsi la nature subtropicale luxuriante de la ville. La pollution pèse souvent lourdement sur le Victoria Harbour autrefois parfumé. Hong Kong dépend de la Chine continentale pour 90 pourcents de sa nourriture, mais parmi ceux qui peuvent se permettre le luxe de se soucier de la qualité de leurs aliments, il y a une méfiance envers ces produits importés.
Malgré ces manques de confiance localisés, la Chine est à présent le quatrième plus large exportateur mondial de produits biologiques, selon Biofach, hôte de la plus grande foire biologique du monde. Les États-Unis, l’Allemagne, les Pays-Bas et le Canada sont les principaux consommateurs. Les économies émergentes comme la Chine et l’Inde sont de grands exportateurs de produits biologiques, mais restent encore de faibles consommateurs de ces produits lorsqu’on tient compte de la population, selon l’Organic and Fair Trade Competence Center (Centre de Compétence du Commerce Equitable et Biologique).
L’agriculture biologique à grande échelle est-elle possible pour la Chine ?
L’agriculture biologique produit généralement des rendements de 10 à 20 % plus faibles que l’agriculture conventionnelle. Cependant, des études suggèrent qu’il s’agit principalement d’un résultat dû au manque de recherches réalisées et de technologie. Bien qu’elle nécessite plus d’espace, l’agriculture biologique offre une solution partielle aux conséquences à long terme de la pollution et de la dégradation des terres agricoles, qui sont peut-être des problèmes plus graves dans la Chine d’aujourd’hui que la sécurité alimentaire.
Compte tenu du passé agricole néfaste du pays, une approche plus holistique de l’agriculture n’est pas seulement conseillée, mais nécessaire. Ayant déjà connu son explosion démographique, la Chine offre une mise en garde au monde en développement, où les réglementations sont largement inexistantes et où des forces comme le changement climatique représentent une menace imminente pour les terres cultivables existantes.
La compréhension de la Chine de la demande mondiale de produits biologiques a précédé une compréhension nationale du concept lui-même, mais cela ne signifie pas que le changement n’est pas en cours.
Les marchés de producteurs biologiques existent dans les grandes villes internationales comme Hong Kong, Pékin et Shanghai depuis maintenant plus d’une décennie, et ils ont clientèle établie. Tianle Chang, qui dirige le marché des agriculteurs de Pékin, dit que près de 5 000 personnes achètent des produits biologiques au marché chaque semaine. Un bon nombre des fermes qui approvisionnent le marché pendant ce temps font la majorité de leurs affaires, certaines jusqu’à 90 pourcents de leurs affaires, en effectuant des livraisons à domicile payées et planifiées avec WeChat, l’application de smartphone polyvalente la plus utilisée en Chine, avec plus d’un milliard d’utilisateurs par mois.
Toutefois, cette base de clients ne s’étend pas jusqu’à Hong Kong, où les gens ont tendance à préférer les produits biologiques provenant de fermes locales ou de pays comme le Japon qui sont perçus comme des producteurs de haute qualité, contrairement à la Chine continentale.
« Les gens font davantage confiance aux produits biologiques provenant de Hong Kong, et l’une des principales raisons à cela est la proximité des fermes et le marketing », dit Sonalie Figueiras, fondatrice du site populaire sur la santé et la durabilité de Hong Kong, Green Queen. « Les gens n’ont aucune confiance dans les produits biologiques chinois – ils ont l’impression que les étiquettes des produits biologiques sont fausses et que les produits sont contaminés ».
La méfiance à l’égard des produits alimentaires Chinois est profondément enracinée. En 2016, 2 500 kg de porc avarié provenant de la province de Jiangxi ont été retirés de la vente à Hong Kong. En 2012, on a découvert des « œufs » faits de matériaux synthétiques, dont de la paraffine et de la résine, et en 2008 a éclaté le scandale des préparations mortelles pour nourrissons à base de mélanine.
Ces scandales ont aidé à augmenter les réglementations relatives à la sécurité alimentaire et à établir les exigences strictes en matière de certification biologique qui existent aujourd’hui en Chine. Comme M. Kwong l’admet, la corruption liée à la certification est encore un problème, mais il affirme que le marché évolue dans la bonne direction.
Dans un rapport publié en 2013 par l’ECRAN (Europe China Research and Advice Network), des chercheurs ont remarqué que les normes d’accréditation et de certification dans l’UE et en Chine étaient comparables de bien des façons. L’auteur du rapport conclut que les nouvelles normes de la Chine pour la demande de certification de produits biologiques, mises en œuvre en 2012, « sont considérées parmi les plus strictes dans le monde en ce qui concerne l’agriculture biologique ».
À titre d’exemple de ces règlements stricts, M. Kwong dit qu’un résidu s’élevant à 0,01 parties par million d’un produit chimique à base de pétrole sur une tomate supposée biologique coûtera sa certification à un agriculteur – voire plus encore. D’un autre côté, il explique que la menace de conséquences sévères comme de lourdes amendes ou des peines d’emprisonnement effraie certains agriculteurs à même de vouloir tenter la culture biologique.
Le progrès juridique, toutefois, n’élimine pas le brouillard de dangerosité des produits chimiques et d’indiscrétions passées qui entoure le concept des produits biologiques chinois. L’agriculteur Ray Kwok de la ferme Evergreens Republic à Hong Kong dit qu’il a reçu de nombreuses demandes de livraison au-delà des frontières.
« Les gens en Chine ont appelé pour dire que leur médecin leur avait recommandé d’acheter des légumes chez nous, dit Kwok ». Lui et son partenaire ont décidé d’opter pour la certification USDA (United States Department of Agriculture) car « les gens semblent toujours lui faire confiance ».
Ni les Kwongs de Qingyuan, ni Tianle Chang à Pékin n’ont bon espoir que les réglementations accrues aident à renforcer la confiance dans les produits biologiques chinois. Ils insistent tous les deux sur le fait que les expériences personnelles comme la dégustation de produits dans des restaurants locaux durables et l’interaction avec les agriculteurs sur les marchés sont d’une importance capitale pour y parvenir.
« C’est comme ça qu’on bâtit la confiance », dit Chang. « Les clients peuvent serrer la main des agriculteurs et les regarder dans les yeux. Ils peuvent poser des questions sur leur façon de faire et essayer de comprendre. Cela a beaucoup plus de valeur qu’une certification à Pékin ».
La société mondiale d’experts-conseils McKinsey and Co. estime que 75 pourcents des consommateurs urbains en Chine feront partie de la classe moyenne d’ici 2022, représentant environ 550 millions de personnes. Avec cette augmentation du niveau de vie à l’échelle nationale, la sensibilisation aux questions de santé est à la hausse et, avec elle, l’appétit pour des moyens de protection comme les produits biologiques. Alors que ces appétits se matérialisent en dehors des centres internationaux de Pékin et Shanghai, le comportementaliste Thomas Talhelm explique que la solution basée sur la confiance doit être évolutive afin que les produits biologiques nationaux puissent concurrencer les importations de producteurs plus réputés en Europe et en Australie.
Talhelm, dont les recherches incluent une étude analysant les différences de comportement entre les producteurs de blé et de riz en Chine, est d’accord avec Leung Hayes, la défenseure de l’alimentation, sur le fait que la transparence sera le principal facteur pour établir la confiance entre les producteurs et les consommateurs d’aliments biologiques en Chine au-delà du système hyper local.
Bien que Talhelm reconnaisse que la « confiance généralisée est plus faible en Chine », il note que les systèmes nécessitant la confiance des consommateurs et pouvant être numérisés ont tendance à bien fonctionner en Chine. Par exemple, les codes QR et codes-barres à dix-sept chiffres qui sont requis sur chaque produit alimentaire vendu comme biologique dans les supermarchés chinois permettent aux consommateurs d’avoir accès à l’origine des produits, des quotas de production estimés jusqu’à la vente finale.
Dans des villes comme Hong Kong et Pékin, les chefs cuisiniers locaux et expatriés qui préfèrent des ingrédients frais et de grande qualité encouragent leurs clients à réfléchir à deux fois avant de s’accrocher à des opinions négatives et inflexibles sur les aliments provenant du continent.
Max Levy est un chef américain qui connaît exceptionnellement bien les produits biologiques en Chine. En plus d’ouvrir quatre établissements à Pékin, il a également été copropriétaire de fermes porcines et maraîchères biologiques à l’extérieur de la ville. Quand Levy a ouvert son tout nouveau restaurant, Okra, à Hong Kong, les produits chinois de très grande qualité qu’il sert ont reçu des réactions extrêmement négatives des clients.
« Nous servons une marque de caviar française très populaire auprès des chefs Michelin », dit Levy, « et quand je le sers aux gens d’ici, je dis : ‘C’est un hyper-caviar du Sichuan’, et tout le monde – tout le monde – dit ‘Quoi ! Ça n’est pas dangereux au moins ?’ puis je leur montre l’étiquette française et leur explique qu’il n’y a pas d’esturgeon en France ; il est seulement vieilli là-bas. Ces entreprises s’approvisionnent en œufs avec la Chine depuis les trente dernières années – on ne le sait tout simplement pas. Et après ils disent, comme s’ils étaient vraiment surpris, ‘Oh, c’est tellement bon’. »
Alors que juste un peu plus de 1 % des aliments consommés en Chine sont biologiques, encore moins de terres agricoles sont consacrées à cette pratique – un minuscule 0,59 %. L’économiste de l’USDA et expert agricole chinois Fred Gale prévoit que ce pourcentage ne dépassera pas de sitôt 1 à 2 pourcent.
Gale dit que les coûts de mise en œuvre des exigences gouvernementales pour tous les agriculteurs souhaitant se convertir à l’agriculture biologique seraient « très élevés » dans un pays comme la Chine, où la grande majorité des agriculteurs dépend fortement des produits chimiques.
La Chine ne rejoindra peut-être pas dans un avenir proche l’Autriche et la Suède, où plus de 15 pourcents des terres agricoles sont biologiques, mais on peut voir des signes d’un sens accru de la responsabilité agricole de manière générale. Gale affirme que le gouvernement chinois est bien conscient de sa pénurie de ressources naturelles et qu’il augmente les réglementations durables et l’importation des aliments afin d’être plus durable à domicile.
« Dans le passé, leur politique de sécurité alimentaire était de maximiser la production, et maintenant ils adoptent une politique plus nuancée », explique-t-il. « Ils veulent donner aux gens un niveau de vie plus élevé et davantage de choix en matière d’alimentation tout en adoptant plus de critères de durabilité. »
Importer plus d’aliments, biologiques ou non, peut fonctionner du point de vue de la sécurité alimentaire et des ressources, mais cette étape ne prend pas en compte les agriculteurs comme les Kwongs. Comme les fermiers de Chang à Pékin, ils continueront à dépendre fortement de leur capacité à pouvoir regarder les gens dans les yeux, et des chefs comme Levy qui osent utiliser des produits biologiques cultivés en Chine.
Pour l’instant, manger biologique peut être un choix très individualiste pour exercer un contrôle sur sa santé personnelle dans une partie du monde avec des problèmes de pollution dangereuse du sol en passant par les rivières et l’air. Mais les chercheurs comme Gale et les agriculteurs comme les Kwongs disent qu’ils ne pensent pas que cela restera ainsi, et qu’à une entendue petite échelle les gens commencent à parler de la santé de l’environnement.
« Quand vous commencerez à vous soucier de la terre », dit M. Kwong, « vous n’aurez plus envie de manger des légumes d’Australie et des États-Unis, vous voudrez quelque-chose provenant de votre jardin, ou d’agriculteurs comme nous. »
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Article and pictures by Viola Gaskell.
Editing by Mike Tatarski.
Illustration and infographic by Imad Gebrayel.
Audio story by Mukundwa Katuliiba.
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