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En Asie, 92 pourcents de la population du continent, environ quatre milliards de personnes, respirent de l’air que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) considère comme néfaste. Le polluant le plus dangereux, le PM2.5, est une matière ambiante composée de particules fines qui peut se loger profondément dans les poumons et pénétrer le système sanguin. Le PM2.5 atteint régulièrement des niveaux mauvais pour la santé dans les villes asiatiques, de Delhi jusqu’à Pékin et Chiang Mai. L’ozone au sol, dite troposphérique, est le deuxième polluant le plus néfaste à la santé humaine, et est également présente sur les bords des routes des mégapoles de Séoul à Hong Kong. Les applications mobiles et sites internet qui surveillent la qualité de l’air affichent souvent des avertissements sous la forme d’icônes de masque ou de messages tels que : « éviter les efforts en extérieur » durant les jours où la situation est plus critique.
Il existe de nombreuses solutions à ces problèmes, et la prise de conscience s’accroît. Des installations artistiques qui filtrent l’air à Pékin, aux immenses champs à énergie solaire de l’Inde, jusqu’aux villageois des campagnes Thaïlandaises qui apprennent des solutions alternatives à l’agriculture au brûlis, le progrès est dans l’air. Cependant, cela ne n’égale pas forcément à la gravité du problème, et les voies de recours n’ont jusqu’à présent pas atteint une échelle globale.
Maintenant que la recherches, les rapports de suivi, et le travail d’entraide de groupes comme les Nations unies et l’OMS se sont répandus à pratiquement chaque recoin du globe, l’ignorance n’est plus la norme. Selon Bert Fabian, chef de l’unité environnementale pour la qualité et la mobilité de l’air pour la région Asie-Pacifique des Nations unies (Environment’s Air Quality and Mobility Unit), les excuses légitimes pour négliger la responsabilité environnementale se font de plus en plus rares.
« Je ne pense pas qu’un pays doive avoir pour excuse qu’il n’a pas à fixer des objectifs du fait qu’il se trouve encore à un stage peu avancé de développement économique », dit-il. « Le Myanmar peut bien dire : “nous adopterons ces normes dans trois ans”, cela reste au moins concret, et le secteur privé peut commencer à se préparer aux changements. ».
Les gouvernements en Asie subissent des pressions de plus en plus fortes pour prendre des mesures alors que les preuves d’effets néfastes sur la santé augmentent. Des estimations réalisées par l’OMS et la Banque mondiale montrent que plus d’un milliard de personnes sont affectées par des maladies respiratoires et que plus de quatre millions de décès peuvent être à la pollution de l’air ambiant chaque année. La majorité de ces décès se produisent dans des pays d’Asie avec un faible revenu médian des ménages. Près de la moitié ont lieu en Inde et en Chine, où plus d’un milliard de personnes respirent des niveaux élevés de particules et de produits chimiques rejetés par les usines, les centrales électriques et les véhicules.
Dans leur rapport sur l’impact global de 2017, le forum international sur les maladies respiratoires, le Forum of International Respiratory Diseases (FIRD) affilié à l’OMS déclare que le « contrôle, la prévention et la guérison de maladies respiratoires font partie des interventions sanitaires disponibles les plus rentables – une “meilleure offre” aux yeux de l’OMS. L’investissement dans la santé respiratoire apportera des bénéfices multiples en termes de longévité, de modes de vie plus sains et d’économies nationales ».
D’un côté, la mondialisation pourrait augmenter la prise de responsabilités et le partage de solutions dans ce domaine, mais d’un autre côté, elle se trouve au cœur du problème. Dans un monde où les biens fabriqués en Chine sont transportés aux États-Unis, où la nourriture cultivée en Australie est mangée à Hong Kong, et où les déchets créés aux États-Unis sont renvoyés en Asie pour y être recyclés — il est difficile de déterminer la responsabilité de chacun.
L’air que nous respirons ne fait pas exception. La poussière provenant des déserts de Chine de l’Ouest est inhalée par les citadins de Séoul, pendant que la pollution des villes indiennes assombrit la neige de l’Himalaya népalais avec du noir de carbone — entraînant une fonte des neiges prématurée qui provoque de nouveaux problèmes en aval.
Corée du Sud : purificateurs, masques, applications et anxiété
En Corée du Sud, où près de 50 pourcents des particules volatiles peuvent être attribuées à la Chine, de nombreuses personnes se tournent vers des mesures préventives personnelles comme les masques et les purificateurs d’air, ces derniers offrant un soulagement physique et mental instantané.
Cependant, les sources de la pollution domestique sont encore une préoccupation importante. L’air de la Corée du Sud est le deuxième plus pollué de tous les pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), précédée par le Chili. Les industries du ciment et de l’acier du pays, de même que les centrales à charbon, sont les sources de pollution domestique principales de la Corée du Sud.
Les recherches indiquent que le citoyen lambda en Corée du Sud est extrêmement préoccupé par la pollution de l’air. Dans une étude de 2017 réalisée par la Korea Institute for Health and Social Affairs, une organisation affiliée au gouvernement, les sud-coréens ont classé la pollution de l’air comme leur principale préoccupation — au-dessus de leur voisin instable et armé avec du nucléaire, et au-dessus de la population vieillissante du pays.
Lors d’un sondage plus récent de 2018 réalisé par le Ministère de l’environnement, 97 pourcents des personnes interrogées déclarent avoir été affectés négativement par la pollution de l’air ; tandis que 60 pourcents l’identifient comme un problème « sérieux » et 30 pourcents comme un problème « extrêmement sérieux ».
Derek Fichtner, un professeur universitaire qui a emménagé en Corée du Sud depuis les États-Unis en 2002, a créé un blog et un groupe Facebook appelés Clean Air Korea, afin de faciliter les conversations orientées vers les solutions concernant la pollution de l’air local. Le groupe compte à présent plus de 3 200 membres et une moyenne de 10 messages par jour est postée, allant des conseils de bricolage concernant les filtres à air à des questions à propos des tailles des masques et des applications sur la qualité d’air.
Fichtner s’est intéressé à ouvrir un dialogue sur le sujet après que de multiples tentatives de se protéger lui-même des polluants atmosphériques se soient retournées contre lui. Après avoir emménagé à Séoul, il acheta un purificateur d’air ionisant, qui, selon lui, était très populaire à l’époque. Lorsqu’il s’est trouvé avec une pneumonie quelques mois plus tard, Fichtner a pris conscience des effets négatifs des purificateurs d’air ionisants. Les machines sont connues pour émettre de l’ozone, lequel peut causer de nombreux problèmes, comme l’irritation de la gorge, la toux, des douleurs de poitrine, l’essoufflement, et un risque augmenté d’infections respiratoires telles que la pneumonie.
En 2011, Fichtner et sa femme ont acheté un autre appareil ménager populaire censé améliorer l’air en intérieur, un humidificateur dispersant des produits chimiques supposés détruire la moisissure. Cette fois, il ne fallut pas longtemps avant que sa femme ne tombe violemment malade. « Elle toussait beaucoup, tellement qu’elle s’est fêlée une côte », se rappelle Fichtner. Cette fois, il a découvert que les produits chimiques dans leur machine étaient liés aux maladies respiratoires en Corée du Sud, dont environ 100 décès.
« Avec les années, tout en essayant d’assainir mon air, je l’ai empiré et ma famille et moi-même sommes tombés encore plus malades », déclare Fichtner.
Selon Fichtner et le groupe Facebook Clean Air Korea, afin d’équiper correctement une maison moyenne en Corée du Sud avec des systèmes de filtration d’air de haute qualité, il faut compter environ 1 000 USD. En tant que professeur de technologie, il a partagé avec le groupe des vidéos de bricolage pour construire des filtres en utilisant du matériel coûtant environ 100 USD.
L’approche de Hong Kong : progressivement réalisable, ou sans prise de risques ?
Ailleurs, la prise de conscience et la compréhension de la qualité de l’air ne sont pas aussi importantes qu’en Corée. Par exemple, elles sont plutôt faibles à Hong Kong en comparaison avec d’autres villes asiatiques à haut revenu telles que Séoul ou Shanghai. Dans un sondage de la World Green Organisation effectué en 2018 auprès de 500 résidents de Hong Kong, 75 pourcents disent considérer la pollution de l’air comme un problème, mais seulement 13 pourcents se déclarent prêts à porter des masques ou utiliser des purificateurs d’air d’intérieur lors des jours où l’air est le plus pollué.
La qualité de l’air varie énormément à Hong Kong. Une semaine qui commence avec du soleil et un ciel bleu se termine souvent avec une brume grise impénétrable qui flotte au-dessus de la ville. Durant les jours où la pollution est la plus importante, de la péninsule verdoyante de Sai Kung jusqu’aux riches districts intermédiaires, aucun des relevés des 13 indicateurs de qualité de l’air du territoire ne reste en dessous des niveaux de prudence orange et rouge, signifiant la présence de hauts niveaux de PM2.5 et d’ozone troposphérique.
Cette variation est un point de discorde pour certains. Patrick Fung, PDG de l’ONG Clean Air Network (CAN), à Hong Kong, déclare que celle-ci aide le gouvernement à rejeter sa responsabilité, attribuant des pics soudains de PM2.5 à des « forces incontrôlables » comme la météo très changeante et le niveau de production accru des usines au-delà de la frontière de la Chine continentale.
Fung déclare que, pendant des années, le gouvernement local a utilisé la pollution élevée de l’air dans la région comme excuse pour établir des objectifs peu ambitieux qui ressemblent davantage à des prédictions qu’à un appel à l’action. Non satisfait des objectifs plus récents du ministère de la protection de l’environnement concernant le PM2.5, Fung désire voir davantage d’objectifs ambitieux qui mèneront Hong Kong vers les normes de l’OMS le plus rapidement possible. « Pourquoi ne pas affecter plus de ressources, plus de volonté politique, et les moyens dont nous avons besoin pour que cela arrive ? » demande Fung.
Une des solutions locales qui semble sur la bonne voie serait le renforcement des normes concernant les navires dans les eaux de Hong Kong. Malgré la croyance populaire d’une majorité de la pollution de Hong Kong franchissant la frontière depuis la Chine du sud, l’industrie maritime est la première source de pollution de la ville. Le port de Kwai Chung, à 15 minutes en bus depuis le centre-ville, est le cinquième port le plus fréquenté au monde, fréquenté par plus de 300 navires de marchandises par semaine. À proximité, le port de Shenzhen est le troisième port le plus fréquenté au monde.
Le gouvernement de Hong Kong estime que l’obligation pour tous les navires de passer au carburant à faible teneur en soufre lorsqu’ils sont à quai d’ici 2015 a réduit les émissions du secteur maritime de 30 à 50 % au cours de la même année. De 2014 à 2018, la quantité de dioxyde de soufre a diminué de 45 pourcents, alors que les niveaux de dioxyde d’azote et de PM2.5 ont diminué d’environ 20 pourcents.
A la suite du succès de la législation sur l’amarrage de 2015, le gouvernement a adopté la législation plus stricte « Fuel For Vessels » (du carburant pour les navires) exigeant que tous les navires utilisent du carburant à faible teneur en soufre ou du gaz naturel liquéfié lors de leur fonctionnement dans les eaux de Hong Kong.
L’approche pratique de Hong Kong a parfois produit des résultats favorables, mais Fung estime que tant que la ville ne mettra pas en place des programmes plus lourds, comme l’adoption d’un péage électronique, afin de remédier à son problème d’ozone omniprésent, les polluants continueront à sérieusement impacter la population.
Inde : faire face à l’urgence sous tous ses aspects
En tant que nation, l’Inde est sérieusement investie dans la résolution des sérieux problèmes de pollution de l’air qu’elle rencontre. Le gouvernement prédit que les dépenses environnementales atteindront 2,5 billions de USD d’ici 2030 afin de réaliser les objectifs de l’Accord de Paris, beaucoup d’entre eux concernant directement la pollution de l’air.
Les réponses et solutions aux problèmes de la pollution de l’air varient très largement à travers l’Inde, de l’installation de vastes champs à énergie solaire au combat pour les espaces verts à Mumbai, en passant par la limitation de la conduite basée sur les plaques d’immatriculation à numéros pairs et impairs, et l’interdiction d’utiliser les plastiques à usage unique dans la capitale du pays.
En 2018, une étude de Greenpeace et Air Visual a montré que sept des dix villes les plus polluées au monde se trouvent en Inde. Delhi, ville indienne la plus peuplée, et foyer de plus de 20 millions de personnes, a enregistré une moyenne annuelle « toxique » de 113,5 microgrammes de PM2.5 par mètre cube.
Bien que la situation actuelle semble désastreuse, les représentants indiens mettent en place des objectifs ambitieux, dont beaucoup sont en passe d’être atteint.
Environ 50 pourcents de la population indienne a moins de 25 ans, ce que certains experts politiques interprètent de manière positive comme étant une population « ouverte au changement ». Les zones délaissées par les décennies récentes de développement rapide sont souvent les sols les plus fertiles pour la mise en place d’infrastructures durables.
Le centre pour la recherche environnemental et l’éducation, Center for Environmental Research and Education (CERE), une organisation à but non-lucratif basée à Mumbai, saisit les opportunités dans ces espaces, en installant des systèmes à énergie solaire sur le toit des écoles et en lançant des projets de reboisement dans les villes où les promoteurs immobiliers ont déraciné des milliers d’arbres. Dr Rashneh Pardiwala, l’écologiste qui dirige le CERE, déclare que les villes rurales qu’ils équipent en panneaux solaires n’ont souvent aucune infrastructure énergétique préexistante. « Ça devient beaucoup plus simple quand la question n’est pas : “voulons-nous passer à l’énergie solaire ?”, mais plutôt : “voulons-nous de l’électricité ?” », déclare-t-elle.
Avec environ 300 jours de soleil par an, l’Inde adopte pleinement l’énergie solaire comme un antidote aux problèmes causés par des décennies de dépendance aux combustibles fossiles, y compris à la pollution de l’air.
Pour la première fois dans l’histoire du pays, l’énergie solaire est aujourd’hui plus abordable que le charbon. Selon un rapport d’avancement de 2018 par le ministère des énergies nouvelles et renouvelables, le Ministry of New and Renewable Energy (MNRE), la capacité du solaire a été multipliée par huit entre 2014 et 2018. En outre, le ministère prédit que d’ici 2022, la capacité de l’énergie solaire surpassera l’objectif des 110 000 gigawatts prévus pour cette année.
Un rapport de 2017 de l’Institute for Energy Economics and Financial Analysis (IEEFA) déclare que l’impôt sur le charbon en Inde ayant rapporté 2,7 milliards de USD en 2015, a été essentiel au financement de projets d’énergie renouvelable à travers le pays, qui, sur le long terme, atténuent la pollution de l’air produite par l’industrie du charbon.
La propension du pays à planter des arbres a évoluée pour devenir une réaction locale impressionnante face à la pollution de l’air et le changement climatique. En 2017, l’Inde a établi un record mondial lorsque 1,5 millions de volontaires à Madhya Pradesh ont planté 66 millions d’arbres le long de la rivière Narmada en 12 heures.
Cependant, Pardiwala déclare que bien que la qualité de l’air se dégrade pour de nombreuses personnes, l’indifférence envers la pollution devient aussi courante en Inde que partout ailleurs. L’un des objectifs du CERE est d’enrayer de telles opinions en aidant les gens à développer un sentiment de pouvoir à travers l’éducation et les programmes communautaires.
« Le sentiment général est que le problème est trop grand — donc que peut bien faire un individu ? » explique Pardiwala. « Je pense que les gens se sentent incapables de passer à l’action, mais ils ont besoin de réaliser que les communautés doivent se rassembler. Un individu n’est peut-être pas capable de régler un problème seul, mais si une communauté se rassemble, je suis certain que nous en sommes capables ».
Thaïlande : des solutions à l’échelle du pays
D’autres communautés rurales à travers l’Asie se sont rassemblées pour soutenir des solutions à la pollution de l’air local pour une raison qui ne nécessite aucune explication — le gain financier.
Dans les montagnes de Chiang Mai, Warm Heart, une organisation à but non-lucratif, fondée par le Dr Michael Shafer, et sa femme, Evelind Schecter, aide les communautés agricoles à améliorer la qualité de leur air en leur apprenant à produire du charbon à usage agricole, une substance polyvalente similaire au charbon qui peut être utilisée pour enrichir les sols appauvris, en tant que combustible sans fumée pour la cuisine, ou bien encore en tant que source d’énergie pour l’industrie, et qui encourage les performances grâce à l’appât du gain.
Chaque printemps, les brûlis annuels en Thaïlande du Nord remplissent l’air des montagnes d’une épaisse fumée qui nuit à la santé de manière générale, à l’espérance de vie, et au tourisme de la région. Cette année, durant un feu de forêt, l’air de Chiang Mai était le plus pollué au monde— une conséquence courante des brûlis. Après la récolte du maïs, les membres de la communauté physiquement aptes se dirigent vers le sud en grand nombre durant la saison basse pour trouver un travail plus fructueux, laissant les agriculteurs avec plus de travail qu’ils ne peuvent en gérer. Sans surprise, les agriculteurs, souvent plus âgés, préfèrent brûler les chaumes de maïs qui jonchent leurs champs plutôt que de rassembler le stock sous le soleil brûlant.
Warm Heart a mis en place un système de bénévolat coopératif qui permet aux agriculteurs de participer à leur programme d’utilisation du charbon à usage agricole. Shafer et son équipe apprennent aux agriculteurs à rassembler les chaumes de leurs champs et à les transformer en charbon à usage agricole.
Shafer n’essaie pas de changer l’opinion des gens afin qu’ils luttent contre le changement climatique ou aident les générations futures ; au lieu de cela, il se concentre sur les bénéfices pratiques qui feront une remarquable et immédiate différence dans les communautés agricoles.
« Notre but est de rendre plus profitable le fait de ne pas brûler que de brûler », déclare Shafer. « Nous souhaitons spécifiquement rendre le charbon à usage agricole plus profitable que la combustion. Donc, au lieu de faire la leçon aux gens, nous leur avons dit que s’ils le faisaient, nous les paierions. Ils ont fait 15 000 sacs de charbon à usage agricole pour nous. »
Réaliste autoproclamé, Shafer croit que le changement climatique et la pollution de l’air sont des préoccupations distantes pour les agriculteurs Qui travaillent pour survivre. En créant un prototype de coopération pour l’utilisation charbon à usage agricole à Mae Chaem, lui et Warm Heart espèrent pouvoir développer leur modèle par un phénomène d’imitation, plutôt que d’intervention.
« Le modèle d’entreprise sociale du charbon à usage agricole est conçu pour être dupliqué », déclare-t-il. « Il est simple, peu onéreux, et flexible. N’importe quel village dans le monde en développement peut l’adapter et l’appliquer à son contexte ».
À grande échelle : l’approche autoritaire et ambitieuse de la Chine
En Chine, les solutions comme le charbon à usage agricole ont l’avantage d’être financées par le gouvernement, permettant des avancées plus rapides à plus grande échelle. Cependant, les réglementations radicales typiques de la politique gouvernementale chinoise qui les accompagnent précèdent parfois des alternatives sur place pour les individus impliqués.
Pendant les hivers récents, les villageois souffrant du froid ont fait la une des journaux alors que le gouvernement avait annulé son interdiction du charbon dans des zones où la demande de gaz dépassait largement l’offre.
Experte en développement durable et auteure du livre « China’s Environmental Challenges », Judith Shapiro décrit l’obsession de la Chine sur ses objectifs, « susceptible de créer un déséquilibre ».
Alors que les campagnes de répression du gouvernement sont, en un sens, efficaces, Shapiro déclare qu’il y a « une forte tendance à détourner le dommage environnemental vers des populations plus vulnérables dans les zones rurales, en Chine de l’ouest, ou même à l’étranger, plutôt qu’à prendre les problèmes à la racine ». Donc, pendant que la qualité de l’air s’améliore dans des villes plus aisées de l’est comme Pékin et Shanghai, les populations rurales à des centaines de kilomètres plus à l’ouest continuent de ressentir les effets des « raccourcis de fabrication et des usages prolongés de matériaux toxiques censés être obsolètes ».
Dans une recherche d’augmentation de la prise de responsabilité, le gouvernement central chinois encourage les gens à signaler les pollueurs illégaux aux autorités. Le professeur Yuan Xu, dirigeant du programme de gouvernance et de politique environnemental, l’Environmental Policy and Governance Programme, à l’université chinoise de Hong Kong, explique que ces signalements sont tellement nombreux que les autorités locales avec lesquelles il travaille en Chine de l’est rapportent passer plus de 60 pourcents de leur temps à les examiner.
Les détracteurs du système, y compris Xu, doutent que cela constitue une utilisation des ressources qui en vaut la peine : « Par exemple, avec les centrales à charbon, beaucoup de personnes pensent avoir identifier un polluant alors qu’il s’agit en fait de vapeur d’eau. Ils [le département de protection environnementale local] ont des ressources limitées, et les dépenser dans des contrôles qui ne sont pas précis est un gaspillage des ressources ».
Les espoirs de Xu sont plus grands en ce qui concerne les approches globales ayant recours à la technologie comme l’imagerie satellite, qui est déjà utilisée pour détecter les brûlis.
« Nous cherchons des moyens d’utiliser la technologie pour restructurer le système actuel », dit-il. « Nous voyons que le gouvernement chinois cherche activement à utiliser les données satellites, les réseaux sociaux, les capteurs et d’autres moyens de rassembler des données afin de mettre la main sur les pollueurs illégaux et les dirigeants gouvernementaux locaux qui ne font pas leur travail ».
Des solutions régionales dans l’Hindou Kouch
Même les solutions simples qui remplissent leurs objectifs prennent souvent des années à être mises en place. En Inde, où le gouvernement a mandaté une conversion en juillet 2018 des vieux fours à briques en nouveaux fours zig zag, plus efficaces, un rapport du contre pour la recherche et l’environnement, le Centre for Science and Environment (CSE) a montré que seulement un tiers des fours concernés de l’Inde du Nord avait été transformés à la date requise.
Selon le rapport, un passage aux fours zig zag pourrait réduire les émissions des appareils en brique jusqu’à 70 pourcents, une diminution très importante pour l’une des industries les plus polluantes du pays. Cependant, le rapport du CSE déclare que seul environ 20 pourcents des fours convertis à Delhi incarnent « une bonne conversion ».
Le centre international pour le développement et l’intégration des montagnes, l’International Centre for Integrated Mountain Development (ICIMOD), une organisation intergouvernementale qui se concentre sur la préservation des écosystèmes dans la région de l’Himalaya – Hindou Kouch, a mis en place avec succès des stratégies de conversion de fours à brique au Népal depuis 2015. À la suite du tremblement de terre dévastateur de 2015 à Gorkha, le scientifique atmosphérique principal et responsable du programme de l’ICIMOD, Arnico Panday, a entrevu des possibilités dans les décombres des vieux fours.
« Nous avions une fenêtre de temps limitée pour réunir les ingénieurs, les propriétaires de fours à brique, les responsables gouvernementaux des réglementations et les architectes pour avoir une discussion concernant la conception de fours plus efficaces, ou la reconstruction des fours d’une manière plus efficace, et pour améliorer l’installation et l’efficacité de la combustion », explique Panday.
Ils se sont mis d’accord sur une version du four zig zag qui réduirait l’utilisation du charbon de 30 pourcents, provoquerait une baisse considérable des émissions de CO2 et des coûts de production pour les propriétaires des fours, et réduirait également les émissions de noir de carbone, aussi appelé noir de fourneau, et de PM2.5 d’environ deux-tiers.
« Les propriétaires initiaux des fours, qui ont travaillé avec nous à Katmandou étaient vraiment enthousiastes et ont fait la promotion des fours transformés auprès de leurs amis et collègues », explique Panday. « Il n’a donc pas fallu très longtemps avant que l’ensemble des100 fours de la vallée de Katmandou soient transformés ».
L’ICIMOD a publié un manuel de conception pour apprendre aux propriétaires de fours à reconstruire leurs fours endommagés afin de consommer moins de charbon, de produire moins de pollution et un nombre plus élevé de bonnes briques. L’organisation continue de travailler avec les propriétaires de fours à travers le Népal, également au Pakistan et en Inde, dans l’espoir d’améliorer la conception de tous les fours de la région Hindou Kouch.
Qu’est-ce qui fonctionne, et pourquoi ?
Bien que l’approche de la Chine ne soit pas parfaite, elle possède une ambition qui manque souvent à d’autres gouvernements asiatiques, que ce soit par manque de sentiment d’urgence, à cause d’une désorganisation qui entraîne une non-conformité et des objectifs non réalisés qui ne sont pas traités, ou à cause d’un sentiment d’impuissance.
Les Nations unies (NU) félicitent les améliorations réalisées à Pékin et à Shanghai. Fabian, de l’Air Quality and Mobility Unit Asia-Pacific des NU, dit qu’il espère que les rapports tels que les documents des NU concernant les expériences menées sur des années à Pékin et Shenzhen, villes qui réduisent avec succès des niveaux élevés de pollution de l’air, circuleront bientôt en tant que mode d’emploi pour d’autres villes asiatiques qui font ou feront l’expérience de hauts niveaux de pollution.
« L’expérience est là, la technologie est là », déclare-t-il. « Maintenant, il faut que le gouvernement et le secteur privé agissent ».
Les fermetures généralisées des centrales à charbon et l’investissement massif dans les véhicules électriques altèrent rapidement l’air de la Chine pour le mieux, mais les analystes comme Xu et Shapiro expriment un besoin sérieux sur le long-terme d’un ensemble de pratiques consistantes prenant en compte les subtilités d’industries spécifiques et les données démographiques au lieu d’imposer une approche punitive et uniforme.
Les solutions pratiques conçues par des organisations telles que l’ICIMOD, le CERE et Warm Heart ne dépendent pas des contrôles ou des menaces du gouvernement envers ceux qui ne s’y conforment pas, et ne déplacent pas le fardeau sur ceux qui travaillent comme ils le peuvent pour maintenir un style de vie modeste. Leurs solutions offrent une alternative qui est une solution gagnant-gagnant pour ceux qui sont directement impliqués, et pour l’environnement.
De nombreuses villes et gouvernements en Asie pourraient tirer des leçons des rapports des NU sur le travail de dépollution mené par le gouvernement de Pékin depuis 20 ans, mais il y a aussi beaucoup de choses à apprendre des plus petits acteurs comme les communautés et individus qui se sont battus avec cœur pour un air plus propre et un avenir meilleur.
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Article by Viola Gaskell.
Editing by Mike Tatarski and Anrike Visser.
Illustrations by Imad Gebrayel.
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